Irène Félix

La Nouvelle République arrosait la naissance de son nouveau supplément du dimanche, La Nouvelle République dimanche. C'était l'occasion, lors des échanges que nous avons eus avec les journalistes de la NR présents, de parler du fonctionnement du journal.
La Nouvelle République est une entreprise originale : d'abord parce que c'est une Société Anonyme à Participation Ouvrière ; ensuite parce qu'aucun actionnaire n'y a de poids prépondérant, ni même de poids significatif, ce qui, me dit-on, garantit une réelle liberté rédactionnelle.
Le statut de société anonyme à participation ouvrière est intéressant. Je me demande pourquoi on n'étudie pas plus ce "dispositif innovant" (créé par une loi de 1905, quand même !), dont la modernité est indiscutable.
Dans une société anonyme classique, vous pesez à la hauteur de vos actions en capital. Les salariés ne votent à l'assemblée générale que s'ils participent au capital de l'entreprise, ce qui est en général réservé aux cadres dirigeants. Dans une SAPO, il existe deux sources de pouvoir à l'assemblée générale : les actions en capital et les actions de travail, détenues collectivement par la société coopérative de main d'oeuvre qui regroupe tous les salariés de l'entreprise. Les statuts fixent le poids relatif des actions de capital et des actions de travail (deux tiers/un tiers, je crois, pour la NR ?). Le message n'est pas le même que celui qui consiste à faire entrer les salariés au capital financier de l'entreprise : dans le cas d'une SAPO, c'est bien la légitimité de décision des ouvriers sur leur outil de travail qui est reconnue, en tant que telle, sans qu'il ne soit besoin qu'ils ne deviennent des "capitalistes".
Il serait intéressant d'observer, sur le cas de la NR et peut-être de quelques rares autres SAPO de France en quoi cette répartition du pouvoir influe sur l'évolution de l'entreprise : la rend-elle plus pérenne ? moins délocalisable ? plus indépendante ? plus sociale ? moins sociale ? contraint-elle son développement ?
Un peu plus connues existent aussi les Sociétés Coopératives Ouvrières de Production. L'originalité des SAPO est toutefois, sans renoncer à la participation au pouvoir des travailleurs, de drainer les capitaux extérieurs parfois nécessaires pour des investissements industriels.
Beau sujet d'étude pour une élection, non ?