08 mai 2011
Mon 10 mai
Nous fêterons, mardi, les trente ans du 10 mai. Alors, pour une fois, permettez-moi un petit retour en arrière, avec l'envie de vous raconter "mon 10 mai".
J'avais 18 ans et je votais pour la première fois. Ou plus précisément, c'est 15 jours avant que, pour la première fois, j'avais mis un bulletin dans l'urne. Il était au nom d'Huguette Bouchardeau, représentante du PSU, un parti de ce qu'on n'appelait pas encore la "gauche alternative" mais qui avait un peu de cela. Le PS, pour mes 18 ans, c'était un parti trop "rangé", et Mitterrand me paraissait si vieux ! C'était cependant sans hésitation que j'avais voté pour lui au second tour et avec conviction que je partageais la joie de la victoire.
Je n'ai pas vu les fameuses images du 20 h à la télé : j'habitais en banlieue parisienne, les bureaux fermaient à 20 h et, jeune électrice, j'avais été sollicitée pour le dépouillement, dans un bureau de vote assez franchement ancré à droite. Nous n'avions pas commencé le dépouillement que la nouvelle a fait le tour du bureau, semant la consternation chez les uns, une jubilation discrète chez les autres.
Pas question de faire la fête sur place : ce n'était pas vraiment la tendance ! La suite s'est passée à la maison, devant une télé qui était pourtant rarement allumée. Je revois mon père, un homme d'habitude plein de retenue et de pudeur, sortant, rayonnant, cueillir une rose. Ma mère ne tenait plus en place, rêvait d'aller à la Bastille ... ce qu'elle ne fit finalement pas.
Ce sont mes soeurs (19 et 14 ans) qui ont organisé la suite, pour aller quelques jours plus tard au Panthéon. Je préparais des concours et elles avaient prévu d'y aller sans moi, ce que j'ai jugé proche de la haute trahison. Je dois probablement à Mitterrand ma note médiocre à l'oral de géologie qui suivi, vaguement révisé dans le train de banlieue qui nous emmenait à Paris. Nous lui devons aussi une douche mémorable en ce jour de mai, au quartier latin. La foule, chaleureuse et fraternelle, parmi laquelle on ne voyait absolument rien, testait des réflecteurs à miroir multicolores pour capter (sans grand succès) les images au-dessus de la tête des autres. Nous avons fini au-dessus, d'un balcon "ami" (nous n'en étions pas si sûres quand nous gravissions les marches, mais qui ne tente rien ...) où nous avons enfin pu voir quelque chose ... et nous mettre au sec !
Les années Mitterrand ont été pour mon père une conquête : celle de la retraite à 60 ans. Il n'exerçait certes pas un métier que l'on classe parmi les métiers pénibles, mais il avait cumulé plus de 40 ans de cotisations à ses 60 ans et jugeait que c'était largement assez. Avoir vu mes parents, passionnés pourtant de leur travail, s'épanouir à nouveau à cet âge que l'on appelle la retraite, c'est à mon sens une des plus belles conquêtes sociales de la gauche. Elle nous est volée. Je ne renonce pas à ce que les choses soient justement corrigées.
Il nous faut d'autres 10 mai. L'an prochain.
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