17 mai 2006
Incivilités et délinquance
Toujours agir sur quatre points : la prévention, la dissuasion, la sanction, la réparation.
La prévention est du ressort de tous. Elle concerne un très large champ et en particulier le champ éducatif. Elle est donc de la responsabilité première de l'Etat (Education nationale) mais aussi des Conseils Généraux (protection maternelle et infantile, aide à la parentalité, prévention et protection de l'enfance en danger), des communes (accueil de l'enfance, activités périscolaires, vie associative, ...). La prévention touche aussi aux questions de logement, d'accès à l'emploi, de lutte contre les discriminations, ...
La dissuasion, c'est "la peur du gendarme". Le "gendarme" c'est selon les cas, la police ou la gendarmerie, les services fiscaux et l'inspection du travail, les contrôles d'hygiène et de salubrité, ... C'est, essentiellement, du ressort de l'Etat, encore que les communes soient compétentes sur le champ de l'hygiène et que les travailleurs sociaux aient parfois un rôle "dissuasif" (par exemple quand ils représentent ceux qui peuvent être à l'origine d'un retrait d'enfant à sa famille). Pour que la dissuasion soit efficace, il faut que la sanction soit connue et réputée désagréable et que les faits susceptibles de faire l'objet de sanction soient repérés comme tels par leurs auteurs potentiels. C'est moins simple qu'il n'y paraît.
La sanction est indispensable. Elle rappelle qu'il existe des règles communes à la société, de portée universelle, que personne ne saurait enfreindre. Elle doit avoir un rôle et un sens pour le délinquant et pour la victime, être personnalisée et proportionnée, toucher les individus et non les groupes ou les familles. C'est souvent dans le domaine des incivilités et de la petite délinquance que c'est le plus difficile car les sanctions ne peuvent être que limitées, les faits peuvent se répéter et la société a fréquemment le sentiment - qui n'est pas toujours faux mais qui n'est pas non plus tout à fait exact - que rien n'est fait. La sanction est le fait de la justice dont les moyens dépendent de l'Etat. Sa mise en oeuvre peut faire intervenir différents services : ceux de l'Etat bien sûr (prison, protection judiciaire de la jeunesse, ...), ceux du Conseil Général ou d'associations mandatées (pour le suivi d'enfants dont les familles sont jugées temporairement ou durablement déficientes).
La réparation ne concerne pas seulement les délinquants même si des travaux d'intérêt général ou des dommages aux victimes font partie de la sanction. La réparation est aussi proposée par la société aux victimes sous différentes formes : écoute, assistance juridique, soutien psychologique, nettoyage ou réparation dans les espaces publics ou collectifs, parfois même privés. Le plus souvent, cette dimension de réparation publique est insuffisante pour répondre à la détresse des victimes. C'est au milieu associatif que l'on doit les premières initatives en ce domaine. Aujourd'hui, le financement de ces actions par l'Etat est souvent minime, les communes étant souvent au premier rang pour agir.
Tout cela ne marche que si chacun dans la société partage un tant soit peu la même perception de ce que la société ne peut accepter et si les sanctions ont quelque chance d'être appliquées et d'être "réputées désagréables" (pour prendre un exemple, une amende n'a pas le même effet dissuasif pour les uns et les autres selon le pouvoir d'achat et plus globalement le rapport à l'argent). Il existe des situations, que j'espère rares, dans lesquelles, à l'évidence, ce pré-requis n'existe pas. Alors, en même temps que l'on exerce les sanctions, il faut recommencer par le commencement c'est à dire amener les personnes à partager le langage et les concepts communs de la société. C'est long, c'est difficile, parfois impossible. Mais je ne crois pas qu'il y ait d'autre solution dans une société de droit.
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Commentaires
irène Félix, permettez-moi 2 commentaires; tout d'abord votre leçon de droit est quasiment parfaite mais elle ne prend en compte l'homme(et la femme) dans toute sa complexité, mais aussi nous vivons dans une République ou pour éviter la tentation du populisme face à une "délinquance" hyper médiatisée, le postulat de base doit être le respect des règles républicaines que ce soit les droits ou les devoirs des citoyens ou des institutions.
Écrit par : duguay trouin | 18 mai 2006
Mon propos est de rappeler que les règles républicaines doivent être appliquées. La complexité que je souligne est que l'application des règles de portée générale concerne des personnes avec leur individualité. Il est alors parfois nécessaire de considérer leurs propres limites à appréhender ces règles.
Écrit par : Irène Félix | 18 mai 2006
"La sanction est indispensable. "
"Elle doit avoir un rôle et un sens pour le délinquant et pour la victime, être personnalisée et proportionnée, toucher les individus et non les groupes ou les familles."
"Sa mise en oeuvre peut faire intervenir différents services"
Certes, certes, mais on parle ici de la société se protégeant des incivilités et de la délinquance des individus, problèmes qui existent et qui sont durs à gérer.
Mais afin d'élargir le débat il est utile aussi de réfléchir sur l'application de cette théorie lorsque le comportement "délinquant" émane d'une administration. Le problème se corse lorsqu'il s'agit d'ailleurs d'une structure rouage de ce système tel qu'il est décrit.
L'actualité récente est riche de tels problèmes, et d'ailleurs à bien y réfléchir il est problable que de tels dysfonctionnements soient plus courants que ceux connus.
On retombe alors dans la dynamique des organisations qui, à l'image d'autres structures, plus officieuses parfois, organise plus naturellement le deni que la reconnaissance.
L'actualité récente (affaire Clearstream, dysfonctionnements à Outreau, rapport de l'enquete administraitve de la Chancellerie, pression des magistrats par pétition, etc...) le montre.
D'autres exemples, moins connus, mais tout aussi évidents soulignent la similitude que l'on peut etablir entre la difficulté pour certaines personnes physiques de reconnaitre leur torts avec l'impossibilité dont on peut se demander parfois si elle est structurelle ou structurante pour certains services publics (ou assimiliés) à reconnaitre eux aussi certains torts, y compris lorsque les dysfionctionnements sont tels qu'ils discréditent l'institution.
"Alors, en même temps que l'on exerce les sanctions, il faut recommencer par le commencement c'est à dire amener les personnes à partager le langage et les concepts communs de la société. C'est long, c'est difficile, parfois impossible."
J'adhère à ce programme bien sur, mais souhaite aussi que les services de l'état l'applique aussi en leur sein, et d'ailleurs en premier lieu.
L'exemplarité est une notion d'autant plus importante que l'on se trouve dans un système dit républicain et légalisme, le légalisme inculant à mon sens le respect des lois par tous, y compris par la puissance publique dans toutes ses composantes.
Par ailleurs, et bien que cela soit un peu hors sujet il est fait question "d'associations mandatées (pour le suivi d'enfants dont les familles sont jugées temporairement ou durablement déficientes)".
Si le système de présence d'association oeuvrant dans le champs de la protection de l'enfance est ancien on peut se poser parfois la question de sa pertinence et de la neutralité du système. En effet il n'est pas rare de voir des associations sollicitant la mise en oeuvre ou la poursuite de mesure alors qu'elles sont les memes à les appliquer. D'un point de vue moral cela peut poser parfois le problème de la distance et de la neutralité dans la mesure où il est difficile d'etre neutre alors qu'en fait on avance avec deux casquettes :
celle d'une structure qui donne un avis
celle d'une sctructure qui applique cet avis après décision
celle d'une structure qui est remunérée pour l'application de cette mesure que l'on a sollicitée.
Par ailleurs on remarquera que l'existence de ce tissu associatif permet de facto d'externaliser en partie (plus ou moins selon les départements) la gestion des problèmes d'enfance et représente aussi une certaine privatisation qui ne dit pas son nom.
Écrit par : vt | 11 juin 2006
La question que vous posez est celle du contrôle des administrations et des services. Elle est fondamentale. Elle passe, entre autres, par des procédures internes (contrôle interne, règles de marchés, instances du personnel, ...), des contrôles externes (chambres régionales des comptes par exemple), des procédures de recours, la sanction démocratique.
Il est important qu'une administration accepte d'avoir pu se tromper. J'ai donné pour consigne aux services de la direction des Solidarités du Conseil Général de traiter effectivement les recours par un nouvel examen du dossier (par exemple pour les agréments d'assistantes maternelles ou pour les adoptions, ...), sans partir du principe que le collègue précédent a forcément eu raison dans sa décision.
Nos concitoyens connaissent insuffisamment les procédures de recours auxquelles ils ont droit.
Écrit par : Irène Félix | 17 juin 2006
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