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18 octobre 2006

Débat télévisé

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Résumons : "Il ne vous aura pas échappé que nous sommes tous socialistes". C'est clair, et c'est heureux. Cela dit, les différences ne nous ont pas échappé non plus, du moins je l'espère.
Différences sur la forme, Strauss-Kahn est le plus à l'aise, parfois le plus volubile ; je préfère Fabius en meeting qu'à la télé ; RAS pour Royal. Bon, sans intérêt particulier.
Différences sur le fond, c'est plus intéressant.
Il y a 4 points qui distinguent nos candidats, ces quatre points se résumant ce soir pratiquement en un seul : la différence entre la première et la deuxième gauche, entre la loi et le contrat, entre l'action politique et la négociation, entre les jacobins et les girondins.
Sur les salaires : tous reprennent la proposition du projet socialiste, atteindre 1500 euros brut "au plus vite" au cours de la législature, proposition apportée par Fabius dans le débat de notre dernier congrès, combattue, débattue puis adoptée lors de la synthèse.


Fabius propose d'accélérer le mouvement avec un engagement d'une augmentation de 100 euros dès le mois de juin 2007, parce que le pouvoir d'achat des bas salaires est une urgence et parce que c'est une décision qui peut être prise tout de suite par le gouvernement et l'Assemblée. Strauss Kahn refuse de s'engager sur le rythme de l'augmentation, qu'il compte mettre en négociation avec le déroulement des carrières et les conditions de travail dans ce qu'il nomme le Pacte de l'Elysée. Royal insiste aussi sur les déroulements de carrière et sur la négociation à mener avec le patronat et les syndicats et sur le risque de tassement des salaires. En jeu : est-ce que nous nous engageons sur ce que nous sommes sûrs de pouvoir faire parce que c'est totalement la responsabilité du politique (le SMIC) ; ou est-ce que nous n'utilisons que parcimonieusement les outils de la puissance publique en nous en remettant à l'issue, qu'on souhaite évidemment la meilleure possible - mais rien ne le garantit -, d'une négociation sociale ? est-ce que nous considérons comme la priorité des priorités la situation des personnes payées au SMIC (3,6 millions de personnes), dont un très grand nombre de femmes, ou est-ce que ce n'est pas très important ? enfin, il faut savoir que certaines conventions collectives sont indexées sur le SMIC dont l'augmentation bénéficie en cascade à tous les salariés.

Sur les 35 heures : Fabius et Strauss Kahn reprennent la généralisation des 35 heures à tous les salariés et considèrent cette mesure d'abord comme une avancée. Royal a tout fait pour ne pas s'exprimer sur ce sujet mais a fini par y être acculée par les journalistes. Elle insiste alors longuement sur les difficultés créées par les 35 heures. En jeu : la position dans le débat politique et la place de la loi. La droite a tellement critiqué les 35 heures parce qu'elles diminuaient l'effort au travail qu'il me semble périlleux d'aller sur ce terrain car les conclusions qui en seront tirées, même malgré nous, condamneront durablement toute avancée en la matière. Dans les difficultés liées aux 35 heures, qu'est-ce qui est en cause : le pouvoir d'achat, d'abord, et c'est pourquoi il faut s'occuper des salaires et d'abord des petits salaires, et d'abord du SMIC ; la flexibilité c'est à dire, justement, la part laissée dans la loi à la négociation. Les 35 heures sont un remarquable exemple des limites de la négociation dans les entreprises et de l'importance d'encadrer rigoureusement les choses dans la loi. A défaut, c'est une grande avancée sociale de la gauche (gagner autant en travaillant moins et en travaillant plus nombreux) qui est mise en cause.

Sur la croissance : tous en conviennent, il faut de la croissance. La première question est de savoir si cette croissance est nourrie par les avancées sociales et l'augmentation du pouvoir d'achat ou si elle doit être un préalable à ces avancées. Comme nous débattons entre socialistes, tous s'accordent pour faire des avancées sociales un facteur de croissance mais Strauss Kahn insiste tellement sur le besoin de croissance qu'on finit par douter de sa conviction la politique peut agir dessus. Bizarrement, seul Laurent Fabius insiste sur l'importance des politiques européennes pour relancer la création d'activités.

Sur l'aménagement du territoire : Royal reprend pour le compte des régions le développement des pôles de compétitivité mis en place par le gouvernement. Ces pôles dits de compétitivité sont des regroupements d'universités, laboratoires de recherche, entreprises, autour de thématiques différentes selon la spécialisation des territoires. Ils visent à concentrer "l'excellence" autour de pôles. Il est vrai que les régions ont été très sollicitées par le gouvernement pour participer au financement de ces pôles mais cela ne me semble pas être une raison suffisante pour s'en féliciter. La carte présentée par Royal à la télévision suffisait à s'en convaincre : ces pôles sont concentrés en Rhône Alpes, Aquitaine et Toulouse, Ile de France, un peu l'est, un peu l'ouest. Le principe n'est plus d'aménager le territoire mais de s'appuyer sur les territoires riches en savoirs, les autres étant définitivement relégués. Dans ce schéma, ce sont des pans entiers du pays qui sont mis à l'écart, ... et paradoxalement, la région Poitou-Charentes n'est pas très bien lotie ! la région Centre non plus, d'ailleurs !!! Je vois une triple faute : renoncer pour la gauche à l'aménagement du territoire ; stratégiquement, vouloir récupérer pour les régions de gauche une politique de droite, fondée sur la concurrence entre régions ; et enfin, utiliser le discours de la droite sur la "bureaucratie tatillonne" qui est quand même l'art de dénigrer le service public et ses fonctionnaires alors que c'est le politique -ici, de droite- qui doit être mis en cause.

Sur les retraites et le vieillissement de la population : les points d'unanimité : revenir sur les lois Fillon, prendre en compte la pénibilité du travail (Fabius propose de prendre en compte la durée de vie à la retraite pour la mesurer, c'est concret et guère criticable), mise en place d'un cinquième risque pour le financement de la dépendance des personnes âgées (accord de DSK et Fabius, Royal, je ne sais plus). Fabius propose la CSG pour financer la dépendance ; les revenus salariaux et non salariaux ainsi que le revenu des entreprises pour les retraites. Strauss Kahn met les modalités de financement à l'ordre du jour de la négociation ("Pacte de l'Elysée") qu'il propose.

Sur l'action publique au niveau du pays : les dossiers précédents montrent la part différente faite à la loi et à la négociation entre les candidats ; il y a aussi un autre point qui distingue Royal des deux autres : la politique nationale doit-elle être la généralisation au pays de politiques locales -régionales en l'occurence- ; ou doit-elle agir sur d'autres leviers ? Bien sûr, de bonnes initiatives locales ont vocation à être généralisées : le RMI a par exemple été inspiré par la ville de Besançon, il y a près de 20 ans. Mais les bonnes initiatives ont beau être nombreuses dans les 21 régions de gauche (sur 22), dans des départements et des communes, elles ont beau jouer leur rôle pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, il serait dommage de s'en tenir là. Il existe à l'échelon national d'autres outils dont il faut aussi se saisir : fixation du niveau du SMIC, financement de l'université et de la recherche, règles fiscales (par exemple, pour freiner les délocalisations), négociations internationales, ... Elles disparaissent derrière les exemples locaux dans le discours de Royal alors qu'elles sont au coeur des propositions des deux autres.

Allez, pour finir : Royal fait souvent référence aux questions d'environnement ; Fabius propose un plan précis qui ne coûte pas aux contribuables pour la renationalisation d'EDF puis de GDF, par le mécanisme de rachat d'actions par l'entreprise ; Strauss-Kahn situe le débat sur la santé en lien avec la politique agricole de façon intéressante.

Ouf !

Commentaires

Félicitations! Très bonne analyse, à contre courant des blablas qui suivaient la retransmission... Merci!

Écrit par : kat | 18 octobre 2006

merci, je me retrouve en tout, mieux formulé que je ne le saurais - j'ai sursauté en entendant Ségolène Royal parler de la primauté du contrat

Écrit par : brigetoun ou brigitte | 18 octobre 2006

Tout à fait d'accord aussi avec cette analyse : au-delà des différences de forme et des performances de chaque candidat, trois orientations politiques différentes étaient visibles, même si fondées (en principe...) sur un même projet, celui adopté par les militants du P.S. Et une question centrale : quelle place pour l'Etat, quelle importance accordée à l'action politique publique ?
Un rappel sur le passé et l'identité de la Gauche (son "âme" oserais-je presque dire) : c'est par l'action de l'Etat (et souvent aussi avec l'aide d'un mouvement social) que la Gauche a pu donner le meilleur d'elle -même au pays, en 1936, en 1981, par exemple. Attention aux faux débats sur les pseudo modernités et les prétendus archaïsmes...Ces arguments d'autorité sont faciles et souvent visent à masquer les enjeux réels; ainsi, lors de la campagne sur le Traité Constitutionnel Européen étaient soit disant modernes ceux qui acceptaient tout au nom de l'idée européenne et archaïques ceux qui prenaient une distance critique envers ce Traité. On a vu quel a été le jugement des français sur cette question. A présent, ce serait la défense que fait Laurent Fabius du rôle impulseur de l'Etat sur le plan social et économique qui serait censée être archaïque...Pour les ultras libéraux, en effet, L'Etat est un archaïsme à dépasser, en dehors de sa dimension de maintien de l'ordre et de l'aspect militaire...La Gauche ne saurait se contenter de reprendre un discours similaire. L'Etat, ce n'est pas uniquement des raideurs administratives, un manque de souplesse et d'adaptation, comme on l'entend souvent. Certes, des évolutions, des progrès, peuvent et doivent être encore réalisés. Mais de là à jeter le bébé avec l'eau du bain... C'est aussi d'ailleurs la conception de l'unité républicaine qui souvent se profile dans ces débats... Le rôle de l'Etat doit être pour nous, au contraire , au coeur du sens de l'action politique : un Etat comme garantie pour les plus vulnérables qu'ils ne seront pas abandonnés à leur sort en cas de mauvais coups ou de situation économique défavorable. Un Etat protecteur sur le plan social , sur le plan environnemental, et aussi sur celui de la sécurité des personnes. Voilà ce qu'attendent les français de la Gauche.

Écrit par : Pierre Dedet | 19 octobre 2006

bravo, bonne analyse, la gauche va gagner avec laurent.

bon courage.

Écrit par : Patrick leborgne | 19 octobre 2006

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