30 août 2010
"Quelles peuvent bien être les raisons pour qu'un gouvernement cherche à freiner le dynamisme ... ?"
Vous trouverez ci-dessous de larges extraits du discours de Marylise Lebranchu, Présidente de la Fédération des Elus Socialistes et Républicains, en clôture des journées de formation dela Rochelle.
"Pour rendre compte de mon impression générale de ces journées, je me suis imaginée être une étudiante étrangère - on peut rêver -, écoutant les différentes interventions ces derniers jours. La conclusion que j'aurais rédigée dans mon rapport, c'est que le système politique français est finalement assez simple.
Il y a d'un côté ce que les Français appellent leurs « collectivités locales », en qui ils ont confiance, et qui répondent à leurs attentes et à leurs besoins.
De l'autre côté, il y a un pôle, grincheux, que les Français appellent « leur gouvernement », en qui ils n'ont pas confiance, mais qui a un quasi-monopôle des médias, du pouvoir législatif et réglementaire, et donc budgétaire.
Ce pôle cherche à empêcher cette démocratie locale de se déployer et passe son temps à essayer de la discréditer - mauvaise gestion, trop d'impôts, sécurité.
L'étonnement final que je formulerais dans mon rapport serait bien évidemment le suivant :
Quelles peuvent bien être les raisons, dans une démocratie, pour qu'un gouvernement cherche à tout prix à freiner ce qui fait le dynamisme, l'énergie, l'équilibre et la diversité du pays tout entier ?
Pourquoi un gouvernement cherche-t-il à limiter les capacités financières des investisseurs dans son territoire ?
Pourquoi un gouvernement cherche-t-il à rompre l'équilibre financier des pourvoyeurs de services publics et de services sociaux dont bénéficie sa population ?
Il ne s'agit pas d'une confrontation entre État et collectivités territoriales, mais d'une confrontation entre un gouvernement de droite et des collectivités de gauche. Nous, élus de gauche, nous n'avons pas de problèmes avec l'État. En revanche, nous en avons avec le gouvernement. Ce qui est en jeu n'est pas un conflit institutionnel. C'est tout simplement le clivage entre la droite et la gauche.
Ce qui pose problème au gouvernement sur le thème de la sécurité, c'est que les communes cherchent à résoudre les problèmes dans la durée, dans leur complexité, sociale, éducative, associative, urbaine, au lieu de se défausser sur des boucs émissaires dénoncés au journal de 20h.
Ce qui agace le gouvernement, c'est que les collectivités de gauche se sont vraiment inscrites dans le développement durable, au lieu de dire, comme Nicolas Sarkozy, un jour qu'il va arrêter le changement climatique à mains nues et le lendemain que « l'environnement, ça va comme ça » en relançant la guerre agricole.
Ce qui est insupportable pour le gouvernement libéral qui est aujourd'hui celui de la France, c'est que les collectivités de gauche, tout en étant bien gérées, tiennent au service public, qu'elles le défendent, envers et contre toutes les restrictions que la droite empile, dans l'objectif évident de rendre indispensables les services privés.
Les premières cibles sont les services de santé et les services sociaux, que les collectivités de gauche maintiennent malgré tout - rsa, apa, pmi, etc. La crise économique et sociale a montré à quel point l'alternative privée proposée par la droite libérale accentue au lieu d'atténuer les risques vitaux - et je pèse mes mots - pour la majorité de notre population.
Toute l'économie sociale et solidaire est dans la ligne de mire. À travers les collectivités territoriales, c'est bien évidemment le monde associatif qui est visé.
Cela vaut aussi pour la culture, comme pour le sport.
En bref, ce que le gouvernement trouve vraiment intolérable dans les collectivités de gauche, c'est qu'elles démontrent, tous les jours, aux Français, qu'être de gauche ne veut pas dire être sectaire, mauvais gestionnaire, laxiste, loin des réalités de terrain, perdu dans les théories ou dans les rêves.
Ces adjectifs, on peut les retourner d'où ils viennent : au gouvernement et à la droite ! Redécoupage électoral politicien, explosion du déficit et de la dette, politique industrielle inexistante, politique de l'emploi inexistante, destruction des moyens de la police, de la santé, de l'éducation...
Nous, collectivités de gauche, avons une gestion saine et nous faisons vivre les services publics, nous assumons de lever l'impôt, nous avons des convictions et nous savons faire face au réel.
Mais voilà que le gouvernement se prend à nous faire à la leçon ! Il nous envoie des préfets qui ne sont plus ceux qu'on a connus, ceux qui étaient capables de trouver des solutions locales et de nous aider à faire avancer le territoire. Nous faisons face désormais, à tous les échelons de la préfectorale, à des commissaires politiques. Choisis sur ces critères et obéissant à des ordres explicites.
Ce qui se joue dans la réforme de la fiscalité locale, dans la réforme des collectivités territoriales, dans l'abandon de l'aménagement du territoire, c'est la mise en place d'une république des préfets, où les contre-pouvoirs, dans les territoires, seraient mis au pas.
Alors, imaginons un instant que la gauche ait gagné la présidentielle et les législatives de 2012. Quelle est la grande loi que nous voulons, nous, élus locaux de gauche, pour ce qui concerne l'organisation territoriale de la république ?
Dans les différentes tables rondes et ateliers, je remarque un grand nombre de points de consensus, des questions qui sont encore en débat... et j'ajouterais aussi quelques questions, peut-être moins évidentes, à ouvrir. Je vais évidemment passer vite, nous en avons gardé bonne note pour la suite.
Parmi les points de consensus, j'ai entendu deux points saillants :
Premièrement, il n'y aura pas de véritable réforme sans commencer par une réforme de la fiscalité locale qui soit efficace et juste.
Deuxièmement, dans les collectivités, on fait de la politique, c'est aussi noble qu'au niveau national, c'est pourquoi nous devrons penser dans notre réforme l'ensemble qui va du conseiller municipal au président de la république. Voilà sans doute le sens d'une Sixième république, vraiment décentralisée.
Parmi les questions ouvertes, j'ai relevé
La péréquation : le principe de la péréquation est acquis, bien sûr, c'est une valeur centrale de la gauche. Un gros travail nous attend cette année pour en définir les critères.
La question des métropoles : il faut protéger leurs fonctions, c'est évident. Mais sans leur imposer une surconcentration de la population et des emplois. On constate souvent que ce qu'on gagne en croissance, on le perd en temps de transports, en ségrégation sociale, et en coût du logement. Comme la péréquation, l'aménagement du territoire est une condition nécessaire pour faire vivre la décentralisation.
Même chose pour le type de développement économique que nous portons. Nous devons prendre du recul par rapport à la stratégie de Lisbonne. Notre convention de juin a esquissé un certain nombre de pistes pour changer de modèle de croissance. Nous avons à les prendre à notre compte dans les collectivités que nous dirigeons.
En ce qui concerne les modalités de gestion du service public - régies, dsp, ppp... les collectivités ne sont pas toutes armées de la même manière pour aborder la gestion de l'eau, par exemple. Pouvons-nous construire une position homogène sur cette question ?
Le bloc communal et intercommunal : Misons-nous sur un statu quo, en dépit des difficultés que rencontrent les maires des toutes petites communes ? Je rappelle que 56 % de nos communes ont moins de 500 habitants, et moins de 3 fonctionnaires.
Dernière question ouverte, les compétences. Des nouvelles compétences auraient du sens à être décentralisées - à titre expérimental ou définitif : emploi ? sécurité ? santé ? accompagnement des personnels de l'éducation nationale ? Réenclencher la dynamique de la décentralisation, c'est aussi se reposer ces questions.
Certaines questions restent à ouvrir, qu'on a du mal à aborder sereinement. Mais je ne voudrais pas non plus qu'on ne se dise pas les choses. Sinon, on n'arrivera pas à avancer.
Le gouvernement nous pousse à la concurrence : comment ne pas répondre aux appels à projets comme les pôles de compétitivité, l'opération campus ou les pôles d'excellence rurale ? En 2012, au gouvernement, il nous faudra renouer avec l'engagement de long terme, la stabilité des dotations et la signature de contrats de plan dignes de ce nom.
À notre niveau de collectivités, la seule bonne réponse est celle de la coopération. Ce pourrait être d'ailleurs une bonne réponse à la question des périmètres institutionnels, des départements, des régions, des communes. Coopérer, ça veut dire être prêt à gagner un peu moins mais à gagner tous ensemble. Ça veut dire renoncer au « dumping territorial » que certains d'entre nous pratiquent pour attirer des entreprises ou les grands équipements de la commune, du département ou de la région d'à côté. Ça veut dire qu'il n'y a pas de pseudo « taille critique » qui justifierait aujourd'hui un isolement hautain d'une collectivité contre toutes les autres.
Une dernière question à ouvrir porte sur le statut de l'élu. Ce n'est pas une discussion facile dans l'ambiance populiste anti-élus qu'a installée la droite. Nous n'avons pas à avoir honte, nous. Les élus locaux doivent pouvoir retrouver une vie normale après leur mandat, sans être pénalisés dans leur métier ou pour leur retraite.
On le voit, la proposition de loi n'est pas encore ficelée. C'est pourtant l'une des premières lois que nous devrons voter en 2012, car l'urgence sociale, dans nos territoires, ne pourra pas faire perdre un an de budget aux collectivités. Avant novembre, donc, dès le premier collectif budgétaire après les législatives de 2012, nous aurons à mettre en œuvre notre réforme.
Nous devons être prêts. La FNESR a décidé de se mobiliser, évidemment (...).
En matière de collectivités territoriales, on le voit en ce moment avec la réforme de la droite, il n'y a pas de réforme qui tienne si elle ne vient pas des élus locaux eux-mêmes. C'est à nous de nous organiser, maintenant."
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