28 octobre 2006
Démocratie (1/3)
Il est courant de faire le constat d'une crise de la démocratie en France et plus largement dans les démocraties occidentales : désaffection des urnes, méfiance vis-à-vis des élus, faible intérêt, dit-on, pour la chose publique. Chacun y va de son explication, le plus souvent à charge des élus : trop lointains, déconnectés, incompétents, ... quand ce n'est pas pourris ! Et l'on propose de contrôler, sanctionner, supprimer, que sais-je encore. Mais le bouc émissaire est-il bien choisi ? Et le problème est-il bien posé ?
Je propose de retenir trois idées :
- comment restaurer la puissance publique ?
- comment organiser nos institutions pour qu'on sache qui fait quoi et donc qui doit rendre compte de quoi ?
- comment former des citoyens ?
Ce que nos concitoyens reprochent à la politique, c'est sa difficulté à changer leur vie. Autrement dit, c'est la perte de la capacité de l'Etat et des collectivités, donc des citoyens, à agir qui inquiète, angoisse, déstabilise notre société. Et il est vrai que les collectivités et singulièrement l'Etat sont devenus de plus en plus impuissantes.
Economiquement, la mondialisation financière qui a succédé au capitalisme national ou européen a donné à un pouvoir financier sans visage et sans frontière un pouvoir considérable sur le destin des individus. Pour tenter d'organiser la riposte à la bonne échelle, nous avons fait l'Europe et avons bien fait de la faire ; nous avons fait la monnaie unique et avons bien fait de la faire ; mais nous avons aussi fait une Banque Centrale Européenne totalement indépendante et avons eu tort de procéder ainsi car les Etats et les peuples européens n'ont plus de pouvoir sur leur monnaie (contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis d'Amérique). Nous nous sommes privés d'un instrument de la puissance publique, la monnaie, avec la possibilité de jouer sur des taux d'intérêt, par exemple, pour relancer la croissance. Il faut y revenir.
La droite a accentué méthodiquement cette impuissance publique. La décentralisation de pans entiers de compétences sans décentraliser les moyens nécessaires aux régions et départements a privé tous les échelons de moyens d'agir. Pour la formation par exemple, l'Etat ne peut plus rien pour vous : ce n'est plus de sa responsabilité ; et les régions ne peuvent pas grand chose : elles n'ont pas les moyens.
Autre moyen efficace d'organiser le retrait de l'Etat : vider les caisses. En baissant les impôts des plus riches, la droite a organisé le déficit qui lui permet aujourd'hui de dire que l'Etat ne peut pas payer plus, pour les banlieues, pour l'école, pour la justice, la sécurité, le logement, ...
Pouvoirs transférés sans contrôle à l'Europe, pouvoir tranférés sans financements aux régions et départements, refus de mobiliser des ressources : effectivement, l'Etat ne peut plus grand chose et donc ses élus non plus.
La première priorité c'est donc de se redonner les moyens d'agir : en relançant la discussion au sein de l'Eurogroupe (les pays dont la monnaie est l'euro) pour mettre l'euro au service des Européens ; en finançant à l'échelon national ce qui doit relever absolument de la solidarité nationale, par exemple la prise en charge des personnes âgées (Laurent Fabius propose de créer une "cinquième branche" de sécurité sociale pour la dépendance des personnes âgées) ; et bien sûr en mettant plus à contribution ceux qui en ont les moyens pour qu'on puisse faire plus ensemble.
Redonner du pouvoir aux élus, c'est redonner du pouvoir aux peuples face au pouvoir de l'économie et de la finance. C'est agir pour que les citoyens rassemblés puissent décider de leur propre destin. Redonner du pouvoir aux élus c'est sauver la démocratie.
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