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29 octobre 2006

Démocratie (3/3)

Dernière question : comment former des citoyens ?

Autrefois, l'école, l'usine et le syndicat, les partis politiques, les réseaux d'éducation populaire jouaient un rôle de formation à la citoyenneté. Ce rôle s'est progressivement perdu. Il faut le restaurer.

L'association des citoyens à l'élaboration des décisions publiques est vieille comme le socialisme municipal : en 1977, quand les socialistes ont gagné beaucoup de mairies, on défendait alors l'idée -jugée révolutionnaire par certains- de "commissions extra-municipales" qui invitaient des non-élus "experts" à contribuer à la réflexion des élus.

Les socialistes ont pensé toutes les évolutions démocratiques récentes :


La décentralisation pour "rapprocher le pouvoir du citoyen" (sous réserve qu'elle ne soit pas impuissante faute de financement) ; l'entrée des oppositions dans les Conseil Municipaux (1983) puis le développement de leurs droits (années 2000) ; la liberté de médias (premier septennat) ; le chambres régionales des comptes pour contrôler l'efficacité de l'usage de l'argent public (mais en aucun cas les choix politiques) ; la création des Conseils de développement des pays et des agglomérations (lois Voynet et Chevènement sous le gouvernement Jospin) et des Conseils de quartier (loi Vaillant en 2001) ; l'amélioration des conditions du débat public ; la réduction du cumul des mandats pour donner plus de disponibilité aux élus (je ne suis pas sûre que cela n'ait pas eu l'effet inverse en rendant les élus plus réticents à renoncer à leur activité professionnelle) ; ...

Les Conseils de développement peuvent prendre différentes formes. Ils sont le plus souvent constitués de plusieurs collèges (associations, syndicats, représentants des entreprises, ...). Leur composition et leur rôle ont été pensés avec les grandes fédérations associatives et les syndicats. L'objectif était de réofficialiser leur rôle de "corps intermédiaire" et de les relégitimer pour mener leur travail d'éducation populaire auprès de leurs adhérents. Le bilan quelques années après est mitigé : je ne suis pas sûre que les représentants de ces fédérations aient toujours à coeur de porter au sein de leurs instances les débats auxquels ils participent dans les Conseils de développement.

Les Conseils de quartiers, rendus obligatoires dans les villes de plus de ???? habitants, ont été plus difficiles à définir. A cette échelle, la question se pose de savoir si l'on doit s'adresser individuellement aux citoyens (le XIème arrondissement de Paris procédait à un tirage au sort pour tout ou partie de son Conseil) ou si l'on doit toujours privilégier les corps intermédiaires. Le choix avait finalement été fait de laisser une grande liberté aux communes pour le définir ... au grand désespoir des fédérations associatives !

A cette époque, comme Secrétaire Nationale du PS au développement local, j'avais participé à ces discussions. M'appuyant sur des expériences réussies et remarquables, en Meurthe-et-Moselle, dans l'Aude, ... j'avais plaidé pour qu'on promeuve aussi des formules qui associent directement les citoyens à des réflexions voire des décisions locales. J'avais dit aux fédérations associatives que les reproches qui étaient faits aux élus devaient aussi les interpeller : éloignement de la base, insuffisance d'écoute, ...

Nous étions aussi tous conscients que toutes ces formules restaient des formules relativement élitistes pour "intermédiaires branchés". Leur version moderne, du forum internet garde les mêmes spécificités. Tous n'y prennent pas la parole et des thèmes restent ignorés.

Les budgets participatifs, inspirés par Porto Alegre, existent dans certaines communes de gauche. A ma connaissance, ils permettent surtout de choisir "la couleur du papier peint". Mais cela reste un exercice pédagogique intéressant, ne serait-ce que pour se rendre compte que tous ne partagent pas son point de vue et que d'autres points de vue sont légitimes.

Ce sont encore les socialistes qui ont organisé en france la première "conférence de consensus" sur le modèle de ce qui existe en Europe du nord. Le débat concernait les OGM. On a vu à quel consensus on est arrivé !!! L'intérêt, à cette échelle, est de permettre aux "experts" des grandes administrations, qui préparent les décisions publiques, "d'atterrir" et d'entendre les questions que se posent les citoyens. Si ce genre de pratique s'avère nécessaire, ce n'est pas parce que les élus sont trop présents mais bien parce qu'ils ne le sont pas assez : les experts prennent trop de place et les représentants élus du peuple pas assez.

Et les jurys populaires dans tout ça ? D'abord une maladresse insigne sur le vocabulaire. Cela fait penser un peu aux comités de salut public, un peu aux soviets, beaucoup à la guillotine ! D'ailleurs, le vocabulaire semble avoir changé. Ensuite une erreur de fond : plutôt que de juger, il serait plus intéressant d'agir ensemble. Enfin une méconnaissance des enjeux que j'ai essayé de développer dans les deux précédentes notes : d'abord, reconquérir des marges de manoeuvre pour agir ; ensuite, clarifier le rôle de chacun pour que chacun rende compte de son mandat sur ses propres responsabilités.

Commentaires

Evidemment, ces réflexions sont moins vite lues que certaines formules vagues et ambiguës , sur les "jury populaires" par exemple, mais elles ont le mérite de soulever les problèmes véritables : comment rendre l'action publique plus cohérente, plus efficace et plus lisible, comment faire en sorte de limiter le fossé déjà existant entre régions riches et régions économiquement moins développées, et enfin comment redonner plus d'autonomie à la politique ( si les politiques se contentent d'accompagner l'économie au lieu de chercher à agir sur elle, les citoyens peuvent légitimement se demander à quoi sert de voter !).
Le rôle de la Gauche est de proposer des réponses à de telles questions.

Écrit par : Pierre Dedet | 29 octobre 2006

Tu as raison : j'ai manqué de concision !
Merci.

Écrit par : Irène Félix | 29 octobre 2006

Maladresse ?
Les jury citoyens font partie de ces maladresses de Ségolène Royal, comme ses remarques nuançant les effets des 35 H ou bien ses propos sur la sécurité.
Je ne sais pas si c'est une maladresse. Finalement peu importe. Je ne crois pas qu'il s'agisse de cela mais bien plus de la volonté de provoquer et d'animer un débat, de le conduire, d'en imposer le rythme pour élever le niveau d'une campagne qui s'annonçait très au raz des paquerettes, en pointant quelques enjeux essentiels parfaitement cohérents les uns aux autres.
N'y a t-il pas besoin de de renouer avec les gens : ceux qui souffrent, ceux qui ne votent plus, ceux qui ne parlent plus, sauf en s'insurgeant dans les urnes (pour ceux qui daignent encore aller voter) ou en brûlant des bus, en s'enfermant dans des pratiques communautaires affichées ? Si les responsables politiques avaient vraiment conscience de la gravité de la situation ils ne s'offusqueraient pas ainsi.
Toujours est -il que par ses propos, Ségolène Royal pose les seules questions qui vaillent le coup d'être discutées. L'augmentation des salaires est une question qui n'interresse même pas (d'un point de vue politique, et en termes de projet de société) ceux qui vont en bénéficier. Car je crois que les gens sentent bien, peut être plus ou moins confusément, que ce n'est pas là que se situent les enjeux.
En ce qui me concerne, j'en pointerais 3 : une démocratie renouvelée qui respecte et s'interresse à ceux qui se taisent grâce à des outils à inventer, la mise en place d'un projet éducatif audacieux associant parents, travailleurs sociaux, police, enseignants, justice, animateurs ou acteurs associatifs, car c'est probablement là que se situe la source principale d'injustices d'aujourd'hui et surtout de demain, et enfin la préservation de l'environnement (qu'il conviendrait probablement de recentrer autour des questions de l'énergie). Cette démarche peut être déclinée au niveau local et même micro local, comme au niveau international. Car elle s'articule autour de l'impérieuse nécessité de partage. C'est vrai au niveau de la ville comme au niveau international.
Mais n'est-ce pas cela un projet : un ensemble d'idées mises en cohérence par un système de valeurs unique et accepté par tous, en vue d'objectifs communs ?
C'est ce projet là que je sens émerger derrière les "maladresses" de Ségolène Royal dont les propos ne justifient donc aucunement à mon sens le mépris que nous entendons souvent de la part des autres (de droite comme de gauche).
Ces propos posent simplement des questions et tentent d'apporter des réponses. C'est nouveau et ç'a fait du bien même si ce n'est pas aussi brillant que ne pourrait le faire un professeur.

Écrit par : Pierre André Effa | 04 novembre 2006

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