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18 novembre 2008

Pour répondre à Thomas

Cher camarade,

Je ne doute pas de la sincérité de ton incompréhension. Mais je voudrais te donner quelques éléments d'éclairage.  

J'évacue la question des "règles historiques" : le Parti socialiste, refondé à Epinay en 1971, a eu pour premier "Premier secrétaire" un certain François Mitterrand dont la motion avait fait au congrès au maximum 15 % des voix. Rassemblant d'autres motions, il a battu Alain Savary dont la motion était arrivée en tête.

En fait, comment cela se passe-t-il ? On demande en général à la motion arrivée en tête de chercher une majorité, si elle ne l'a pas déjà. Et à défaut, aux autres motions de montrer s'il existe ou non une majorité alternative.

Dans le cas qui nous concerne, il s'agissait donc pour Ségolène Royal de passer de 29 % des voix à au moins 51 % donc de trouver des alliés. Elle a effectivement, au cours de la semaine puis de la soirée de samedi fait quelques propositions. Ces propositions n'ont pas convaincu les autres sur les points qui leur paraissaient fondamentaux. Donc il n'y a pas eu d'accord. C'est aussi simple que cela. On a reproché au PS ces dernières années ses synthèses molles : là, il y a un débat politique de fond. Je trouve cela plutôt mieux.

Quelles sont les différences sur le fond ?

Sur le fond, on ne peut pas mettre en place une politique de économique et sociale de gauche avec des alliés de droite. On peut à la rigueur faire des espaces verts ; ou des ronds-points. Mais pas une politique de soutien au SMIC, de fiscalité juste, de priorités données à la l'investissement sur la rémunération des actionnaires, ou de règles justes sur le commerce international.

Ségolène Royal n'a d'ailleurs pas dit autre chose. A chaque fois qu'elle argumentait sur le "front républicain", c'était pour mettre en avant des combats partagés dans le champ des libertés publiques, de l'indépendance des médias et de la justice, de la défense des droits. Oui, il est vrai qu'on peut trouver dans ce que tu appelles le centre humaniste des gens sur ces positions, par conviction ... ou par opportunité. On peut même en trouver à l'UMP avec qui, du temps de Chirac, on votait contre la guerre en Irak. Et d'ailleurs, on a (presque) tous voté Chirac ! Le Front républicain (qui n'est tout de même pas le Front Populaire !!!!) existe, dans des cas graves, et c'est tant mieux.

Mais cela ne doit pas conduire à des alliances de gouvernement parce que leurs options de politiques économiques ne sont pas les nôtres. Je te rappelle que Bayrou, pour répondre à la crise financière, propose de prélever 5 % sur tous les revenus ...Comme hausse des salaires, tu m'accorderas qu'on peut faire mieux ! - pour rappel, il y a plein de salariés qui ne gagnent que le SMIC soit 1000 euros nets, et plein encore qui gagnent moins que cela parce qu'il ne travaillent qu'à temps partiel -. Que Bayrou propose l'inscription dans la constitution de l'interdiction des déficits, rendant définitivement impossible toute politique de relance "keynesienne", alors même que tous les Etats (sauf la France de Sarkozy) organisent cette relance aujourd'hui, même les plus libéraux (même l'Amérique d'avant Obama)...

Or c'est la réorientation de la politique économique et sociale qui est urgente. C'est là dessus que les Français en bavent le plus et qu'ils ont le plus besoin de nous. On ne peut quand même pas les tromper en leur faisant croire des choses qu'on ne fera pas en raison de nos alliances ensuite !!

Alors que dit Ségolène Royal ? qu'on renvoie à plus tard le débat, par un référendum militant ! Comme si les militatns ne venaient pas de se prononcer à 70 % contre le renversement des alliances !

Tout cela ne se résume pas à un simple malentendu ou un procès d'intention. Crois-tu qu'il soit neutre que les thématiques avancées pendant la présidentielles aient toutes repris du vocabulaire et des références de la droite ? Le travail comme valeur morale ; la reprise à notre compte du mot "assistés", porteur d'accusation envers les personnes les plus précaires, malades, handicapées ; la famille, l'autorité et l'ordre juste comme références constantes (je te rappelle que l'autorité familiale, historiquement, n'est pas précisément synonyme d'égalité hommes-femmes ; la région comme cadre privilégié de l'action contre la bureaucratie de l'Etat -ou l'art, subtil, de dénigrer, sans le dire, les services publics -, ... Tu n'as pas l'impression que l'Etat est assez malmené comme cela ?

Ce n'est pas dépassé : à Reims encore, cette réduction de l'action publique aux collectivités locales a été réaffirmée : quel rôle pour l'Etat ? et pour l'Europe dont elle ne semble pas imaginer de faire un outil de puissance publique, alors que la crise financière ouvre à l'évidence des opportunités encore inespérées il y a quelques mois ? 

Et puis, profondément, le style proposé par Ségolène Royal a troublé, une fois encore, le congrès : un style rhétorique, emprunt de religiosité et de personnalisation, alors que le socialisme démocratique c'est le refus de la mystique comme politique, le combat collectif (le "nous") plutôt que le "je", ... Je t'assure : c'est insupportable.

Je ne peux mieux résumer cela que par une anecdote : à la fin de l'intervention de S. Royal, je discute avec François Bonneau, Président de la Région. Nous sommes rejoints par Catherine Guy-Quint, députée européenne de la motion A. Elle est sous le choc de ce qu'elle vient d'entendre de S. Royal et s'épanche. "Je suis en Europe tout le temps, je travaille, je ne m'étais jamais rendu compte à ce point, dit-elle. Ce n'est pas possible : je n'ai pas passé trente ans de ma vie à me battre, des jours, des nuits, des trajets, pour en arriver là !!".

Pour moi, cela ne fait que vingt ans. Mais je pense pareil.

Voilà, je ne sais si j'ai été claire. Mais le débat est très clair. Ce n'est ni une question de règles du jeu : elles sont parfaitement respectées ; ni une question de "jeunes" et de "vieux" (elle a trois ans de moins qu'Aubry, 10 de plus qu'Hamon, trente ans de vie politique, des années dans des ministères). C'est une question de choix politique. 

Amitiés socialistes.

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