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04 mai 2010

Trop de décentralisation tue la décentralisation ...

Sept Conseils Généraux (dont deux de droite), se sont entendus pour faire un recours auprès du Conseil Constitutionnel si aucune correction n'est apportée à la loi de finances rectificative sur les transferts de charges confiées par l'Etat aux départements au cours des dernières années. Le Cher pourrait suivre. L'Assemblée des départements de France demande que les allocations sociales redeviennent des prestations financées (sinon administrées) nationalement.

L'excès de décentralisation, sur laquelle je m'interrogeais à voix haute (texte ci-dessous pour le journal national des élus socialistes, Commune de France) lors du 25ème anniversaire des premières lois de décentralisation, peut tuer :

- le service public, local ou devenu local, par assèchement financier ;

- la décentralisation donc la démocratie locale, donc la démocratie avec des élus (donc le peuple) condamnés à l'impuissance ;

- l'égalité républicaine.

Excusez du peu ! Il est donc grand temps que des voix écoutées se fassent entendre sur ce sujet après des années où les élus locaux des territoires fragiles (et à terme de beaucoup de territoires) se sont tiré des balles dans le pied en revendiquant toujours plus de "décentralisation" et "d'autonomie fiscale".

Quand je m'exprimais là-dessus, on me prenait pour une épouvantable jacobine. Comment une élue locale, même pas parlementaire, encore moins en quête de responsabilités nationales si ce n'est celle de représenter ses pairs, en aucun cas fonctionnaire d'Etat, pouvait-elle défendre le rôle de la solidarité nationale et de l'Etat dans l'organisation de notre République ?

En fait, il suffisait d'attendre ... que l'évidence s'impose d'elle-même. C'est fait pour les départements. Ce le sera je pense bientôt pour les régions. Pour les communes, ce ne sont pas les contraintes financières qui s'imposeront en premier. Mais c'est leur incapacité structurelle à répondre aux enjeux de l'emploi (elles n'ont ni la monnaie, ni la fiscalité, ni les politiques d'allègement de charges, ...) et à ceux de la sécurité (elles n'incarnent pas l'autorité à l'égal de l'Etat), qui leur fera appeler de leur voeux le retour de l'Etat. C'est même commencé. Il y a urgence, avant que l'Etat lui-même, ayant démantelé ses services, ne puisse retrouver son rôle. 


La décentralisation, c’était rapprocher le pouvoir du citoyen sans défaire la solidarité nationale. Au terme de vingt années de décentralisation et de plusieurs réformes, on peut se demander si ces deux objectifs ont bien été atteints.

Rapprocher le pouvoir du citoyen ? L’opération a été relativement réussie grâce aux élus locaux, aux formes diverses de participation et parfois de lobbying. Mais de quel pouvoir s’agit-il quand les moyens financiers font défaut et que les leviers dans des domaines d’intervention très attendus par nos concitoyens, tels que l’emploi, la sécurité, le pouvoir d’achat, sont ailleurs ? Est-ce un service rendu à la démocratie que de rendre les élus locaux responsables de tout pour mieux mettre en relief les limites de leur action et jeter le doute sur l’action politique ?

Ne pas défaire la solidarité ? Le bilan est trouble. Bien sûr, il reste en France quelque chose du pacte républicain, une exigence d’égalité et de justice. Mais la décentralisation a aussi nourri la mise en concurrence des territoires qui ne profite qu’aux plus forts. Dans une confusion trop souvent entretenue entre choix politiques et organisation de l’Etat, elle a alimenté le dénigrement de l’Etat, ouvrant ainsi la porte à la mise en cause des mécanismes de solidarité collective. L’actuelle revendication, jusque dans nos rangs, d’une évolution des régions à l’image des autonomies espagnoles en est l’illustration éclatante – et inquiétante !

Alors oui, la décentralisation a probablement transformé nos pratiques politiques (je dis probablement car je n’ai en fait jamais vécu politiquement un Etat non décentralisé), elle a mis en mouvement des milliers d’élus locaux de bonne volonté, elle a permis de donner une représentation concrète des réalisations des collectivités locales et donc de faciliter la levée de l’impôt, même s’il est injuste. Elle ne restera un progrès que si elle ne se transforme pas en machine de guerre contre l’idée d’une solidarité universelle incarnée, en France, par l’Etat – autant dire en machine de guerre contre les idées de gauche. A nous d’y veiller.

 

Irène Félix - février 2007

 

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