23 septembre 2010
Assises territoriales de l'insertion
Nous avions maintenu, malgré la journée de grève, nos assises territoriales de l'insertion. 250 personnes, un amphi plein, pour partager le travail fait pendant l'été par les allocataires du RSA, les professionnels de l'insertion et nos partenaires. Beaucoup parmi les 28 propositions issues des groupes de travail sont à la fois simples, concrètes mais demandent une attention de tous les instants pour être mises en oeuvre : coopération, communication, attention portée aux personnes qui s'isolent, ... Il faut donc, dès que possible, rebondir pour que tout ce travail ne retombe pas.
Vous trouverez ci-dessous reproduite l'intevention que j'ai faite en ouverture de ces assises.
Il y a très exactement cinq ans, un certain nombre d'entre nous étions rassemblés à la Maison de la Culture de Bourges pour clore une intense série d'échanges à l'occasion de ce que nous avions appelé les premiers Etats-Généraux de l'insertion. Pour la première fois dans le Cher, la question de la place et du devenir des personnes dépourvues de revenus et d'emploi était traitée comme une question concernant toute la société, employeurs, acteurs sociaux, acteurs associatifs, institutions, professionnels et même, - c'était important -, toute la population appelée à porter attention à chacun et chacune de ses concitoyens et concitoyennes. Quatre grands axes d'action ont depuis structuré notre programme départemental d'insertion :
- - participer, c'est-à-dire appeler chacun à son rôle et à sa responsabilité dans la lutte contre les exclusions
- - accompagner les différents acteurs pour mieux prévenir et mieux combattre les exclusions
- - innover
- - et enfin, communiquer, tant sur la réalité de la pauvreté - c'est-à-dire, dans une société riche, sur le scandale de la pauvreté - que sur le travail, l'engagement et les initiatives des différents acteurs, allocataires ou partenaires.
Je revois des visages et le chemin parcouru, les succès, les écueils, les échecs parfois : ces hommes démarrant dans un métier culturel et qui sont aujourd'hui des professionnels reconnus ; ces femmes « montées à Bourges » du Sud du Cher à l'occasion des Etats-Généraux - un évènement - et qui, pas à pas, ont transformé leur vie, transformé parfois celle des autres, et qui, pour certaines d'entre elles travaillent aujourd'hui ; cet homme m'interpelant plus tard au volant d'un bus pour m'indiquer qu'il avait trouvé du travail ... et une compagne ! ces femmes dont le métier en 2010 est d'accompagner celles et ceux qui, comme elles hier, traversent des passes difficiles ; cet homme, attaché à réussir le métier de commerçant ambulant qu'il s'est choisi ; cet homme encore, ayant trouvé la force de se débarrasser d'une sale maladie et d'assumer une reconversion professionnelle réussie ; ces citoyens désormais piliers de la vie associative locale ; mais aussi ces employeurs attentifs, ces professionnels imaginatifs et innovants, ces citoyens engagés.
Je sais et je vois aussi celles et ceux que la maladie, qui les avait freinés dans leur projets, a continué d'exclure ou même a emporté. Ceux qui refont cent fois le même effort pour mettre la tête hors de l'eau, y replongent, et un jour, renoncent. Ceux qui attendent comme une délivrance l'accès à une pension d'invalidité ou à un statut de personne handicapée qu'il serait juste de reconnaître, même et surtout pour des travailleurs indépendants, ou à une retraite dont il n'y a pas de sens de retarder sans cesse l'échéance quand la pénibilité du métier a usé et que les entreprises rejettent les seniors. Pour ceux-là, bien sûr, le chemin parcouru depuis 2005 garde un goût amer et le sentiment d'abandon ne peut que croître.
Je crois utile de rappeler quelques chiffres :
- - 10000 foyers dans le Cher ont le Revenu de Solidarité Active comme seul revenu ou comme complément de revenu;
- - cela représente 22000 personnes, soit 7 % de la population totale du Cher
- - 80 % des foyers sont des personnes seules ou des familles monoparentales
- - toutes les tranches d'âge de l'âge «actif» sont représentées
- - près d'un tiers des personnes concernées par le RMI (les chiffres pour le RSA ne sont pas encore disponibles) sortaient chaque année de ce statut, démontrant que la condition d'allocataire était loin d'être une condition dans laquelle les personnes se contentaient de rester.
C'est pour cela que nous sommes rassemblés à nouveau aujourd'hui. Et ce d'autant que les évolutions législatives, avec la mise en place du Revenu de Solidarité Active et l'obligation faite aux Conseils Généraux de mettre en place, - c'est-à-dire, cela vous sera redit tout à l'heure - de piloter et coordonner un Pacte Territorial d'Insertion, nous y invite.
Notre réunion d'aujourd'hui vient en conclusion provisoire ou plutôt en bilan d'étape d'un travail amorcé avant l'été et auquel beaucoup d'entre vous ont participé.
Merci en tout premier lieu à vous, allocataires du RSA, en particulier à celles et ceux engagés dans les groupes ressources. Vous avez donné de votre temps et de votre énergie, non seulement pour vous-mêmes mais pour tous, avec un fort esprit d'altruisme. Vous avez apporté une réelle plus-value à nos échanges. Vous avez dit vos exigences : des services plus proches, mieux coordonnés, plus réactifs, plus personnalisés. Nous aurons à cœur, même si nos temps ne sont pas les mêmes, de les prendre en compte. Vous avez aussi proposé d'introduire dans notre pacte une nouvelle idée : celle de l'entr'aide. Merci. Nous reviendrons plus longuement sur cette piste en deuxième partie d'après-midi.
Merci aux professionnels du Conseil Général qui, comme d'habitude, ont beaucoup donné pour l'organisation de ces assises, et en particulier à Mesdames Chassot et Parisse et Mesdames Billy, Delhomme et Godeau, nos rapportrices. Merci à la DIRRECTE, à Pôle Emploi, à la Caisse d'Allocations Familiales, à la CPAM, à Cher Accueil, qui nous ont aidé à animer ces travaux et ont montré leur disponibilité pour coopérer au profit des allocataires du RSA. Merci à Madame Joly, de l'ANSA, pour son professionnalisme dynamique et souriant. Merci aux « grands témoins » sollicités aujourd'hui pour nous dire si et comment ils pourraient s'impliquer dans la réalisation de ces projets. Merci au théâtre du Grand Chariot qui se fait porte-parole de ce que vous avez dit. Merci à tous les participants.
Le travail a été engagé sur quatre thèmes : l'accès au travail ; l'organisation familiale pour pouvoir travailler, en raison de l'attention particulière que nous devons porter aux parents isolés ; le lien social ; l'accès aux droits. A chaque groupe, à Bourges, à Vierzon, à Aubigny, à Saint-Amand, il était demandé de dire ce qui marchait, ce qui ne marchait pas, ce qu'il fallait améliorer et, si possible, de dire comment l'améliorer.
Il est important de se replacer dans le contexte de 2010 : une année de crise ; une année de mise en place du RSA qui a bousculé les pratiques, obligé à des démarches très lourdes de réorientation. Respectant l'esprit de la loi, de nouveaux fonctionnements ont été expérimentés, en particulier une répartition des tâches entre Pôle Emploi, en charge de l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi, et le Conseil Général, garant de l'accompagnement de tous les parcours et en charge de l'accompagnement social. Ils ont nécessité et nécessiteront sans doute encore, vous l'avez dit, un certain nombre d'ajustements pour être plus efficaces.
Je crois important de dire, tout d'abord, que les actions menées actuellement n'ont pas été remises en cause. Et s'il n'est pas prévu, aujourd'hui, que nous parlions de tout ce qu'il se fait dans le département, rien n'est remis en cause sur le fond. Seule la contrainte budgétaire - l'argent - a pu ou pourrait nous conduire, malgré nous, à des remises en cause. Au contraire, c'est à partir de ce qui existe - les chantiers d'insertion, la lutte contre l'illettrisme, les activités de lien social, l'aide à la mobilité, les accompagnements dans le travail de professionnels ayant des métiers spécifiques - que vous avez réfléchi pour mettre de l'huile dans les rouages, jeter le pont qui manque pour franchir le gué.
Vous avez été particulièrement productifs : 28 propositions d'actions ont été élaborées et vous seront présentées tout à l'heure.
Ce qui nous a frappés, c'est d'y retrouver les grands thèmes qui, déjà, s'étaient imposés en 2005 :
- - la participation;
- - l'accompagnement;
- - la communication entre acteurs.
Vous les avez enrichis de deux idées :
- - l'entr'aide entre allocataires;
- - et la coopération entre institutions et acteurs.
Ce sont, et je m'en réjouis, des idées généreuses. Il n'est pas indifférent de constater qu'une société compte finalement plus sur la solidarité que sur l'individualisme pour avancer. Mais ce ne sont pas seulement des idées généreuses. Ce sont aussi des idées efficaces pour lutter contre l'isolement, redonner la force d'avancer, échanger utilement des idées, des tuyaux, des savoirs et des compétences pour finalement mieux vivre et mieux travailler.
Avant de conclure, je veux revenir sur cette question du temps. Vous avez de l'impatience ; j'ai pris connaissance des compte-rendu des groupes ressources qui s'interrogent pour savoir si « on va arrêter de parler » et si on va agir. Je comprends, et souvent, je partage vos impatiences, d'autant plus légitimes que votre vie est difficile. Mais je ne veux pas vous mentir. Tout ne peut se mettre en place rapidement. Parce qu'il faut concilier les propositions faites au Châtelet et celles faites à Aubigny ; parce qu'il faut trouver du temps pour que les professionnels fassent aboutir vos idées ; parce que nos institutions, c'est vrai, sont de grosses machines ; parce que nous agissons dans le cadre de lois qui garantissent notre sécurité à tous - par exemple en matière de garde d'enfants - et que nos innovations ne peuvent s'en affranchir ; mais aussi parce que si certaines choses sont peu coûteuses à mettre en place, d'autre nécessitent plus d'argent.
Jusqu'en 2004, les Conseils Généraux devaient mettre en place des actions d'insertion. Mais les allocations du RMI étaient payées par l'Etat. Depuis, les Conseils Généraux doivent payer les allocations et financer les actions d'insertion. Ceux qui font les lois pensaient peut-être que la perspective de diminuer la facture des allocations motiverait les Conseils Généraux à faire plus et mieux en matière d'accompagnement et d'insertion. Mais, avec la crise, on pourrait bien obtenir exactement le résultat inverse : la charge des allocations pourrait être telle qu'il n'y ait plus d'argent, dans les départements les moins riches - le Cher en fait partie -, pour payer les actions d'insertion. C'est pourquoi, aujourd'hui, tous les départements de France demandent que l'allocation, qui est finalement une allocation de Sécurité Sociale, au sens plein du terme, soit à nouveau financée par la solidarité nationale, c'est-à-dire par l'Etat.
La proposition qui vous sera faite, en fin de journée, par le Président du Conseil Général, sera d'aller vers un Pacte territorial d'insertion pour trois ans. Trois ans, c'est beaucoup quand on vit mal ; c'est peu pour une institution.
Cela permet de démarrer tout de suite ce qui est le plus urgent et le plus consensuel.
Cela permet de se donner le temps de faire aboutir solidement les projets les plus complexes.
et d'avoir l'espoir que de meilleures solutions soient trouvées, d'ici là, sur la question du financement des allocations.
Merci encore pour votre implication que je vous invite à poursuivre, demain, dans la mise en œuvre des actions que vous avez proposées.
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